Sous l’impulsion de Béatrice Mathurin, Directrice Marketing, Teritoria réinvente son modèle. Un an après son changement d’identité, cette communauté d’hôteliers-restaurateurs indépendants trace sa route vers un tourisme plus durable, plus humain et profondément ancré dans les territoires.
NEXT TOURISME : Pouvez-vous retracer l’histoire de Teritoria ?
Béatrice Mathurin : Teritoria est une chaîne volontaire fondée en 1975 qui regroupe des hôteliers et des restaurateurs indépendants à taille humaine. A l’origine, l’objectif était d’être plus fort ensemble pour faire face à la montée en concurrence du marché du tourisme. Ces professionnels (aujourd’hui, une centaine de restaurants étoilés et 270 hôtels-restaurants majoritairement quatre étoiles) veulent garder leur indépendance et leur identité propre incarnée par le propriétaire – et ne surtout pas être confondus avec une chaîne intégrée.
Teritoria est présidée par Alain Ducasse, qui fait bien sûr partie de la communauté. Nous animons le réseau afin que les adhérents puissent se regrouper et discuter des problématiques du métier, comme le recrutement par exemple. C’était le cas par exemple lors du Déjeuner des Chefs le 7 avril dernier : ce moment a permis à nos 80 chefs étoilés d’échanger autour de l’avenir de leur métier. Ça leur permet d’avoir de la visibilité, mais c’est aussi un moyen pour eux d’être un peu moins isolés en tant qu’indépendants et de pouvoir entre pairs se poser des questions.
L’engagement est notre colonne vertébrale puisque nous avons trois engagements forts, dont deux qui sont des prérequis pour faire partie de Teritoria : obligation de calculer tous les deux ans son bilan carbone avec l’outil Clorofil ; obligation de donner la parole à leurs collaborateurs grâce au label QVCT Peace&Work ; et nous finançons par ailleurs des projets d’agroforesterie au niveau du siège pour contribuer à la préservation de la biodiversité. Notre positionnement est premium, contemporain et européen. Nous sommes présents principalement en France et en Italie, puis en Espagne ainsi qu’en Allemagne via un partenariat avec une chaîne volontaire qui nous ressemble : Romantik Hotel. Nous souhaitons d’ailleurs rester européens, ce qui est cohérent avec notre démarche RSE. Nous ne souhaitons pas promouvoir le surtourisme ou les voyages long-courriers. Comme notre nom l’indique, nous préférons faire rayonner les territoires et redécouvrir nos belles régions.
Un an après avoir abandonné le nom de « Les Collectionneurs » au profit de Teritoria, quel bilan tirez-vous de ce revirement stratégique ?
Toutes nos maisons sont désormais montées à bord de nos engagements. A date, 126 établissements ont rempli l’engagement Clorofil ; 250 ont finalisé l’objectif Peace&Work. 100% des maisons ont aussi déployé la marque, l’enseigne, le guide, le magazine… Au niveau digital, nous avons changé le nom de domaine et refondu complètement le système digital pour déployer un site mobile-first. Nous observons d’ailleurs une belle progression du trafic sur le site.
Nous travaillons toujours l’offre grâce à un triptyque siège/adhérents/voyageurs systématiquement sondé sur tous les sujets pour fidéliser mais aussi aller chercher de nouveaux profils. Notre positionnement RSE plaît à la jeune génération qui est plus engagée. L’incarnation humaine de nos maisons est aussi primordiale, avec des voyageurs qui ont accès à des maisons à taille humaine, ainsi qu’à leurs propriétaires.
Le tourisme de masse est une tendance qui s’effrite : de plus en plus de voyageurs veulent se déplacer à des moments différents pour éviter les foules. Les touristes veulent se faire plaisir, mais dans des conditions meilleures pour la planète, pour eux-mêmes et pour les gens qui les reçoivent.
Qu’est-ce que cela engendre d’un point de vue marketing/communication ?
Teritoria permet d’avoir des outils pour travailler le marketing, avec un site, un magazine lifestyle, des réseaux sociaux… mais aussi d’avoir de la visibilité et d’être moins isolés en tant qu’indépendants.
Nous avons récemment refondu les offres, notamment le coffret cadeau, avec plusieurs outils – dont les écoutes digitales permettant de faire émerger les non-dits. Par exemple, aujourd’hui la liberté est un incontournable des expériences de coffret-cadeau. Trop souvent, le client qui souhaitait voyager à une date précise essuyait un refus de la part de l’hôtelier : aujourd’hui, ce n’est plus possible. Il nous a donc fallu trouver une formule qui convienne à tous.
Nous avons aussi lancé une carte-cadeau sécable, utilisable en une ou plusieurs fois ; ou la possibilité d’offrir un cadeau à plusieurs. Notre programme de fidélité, qui est très attendu par les clients, a aussi été revisité. Ce sont de véritables tendances de fond, auxquelles nous ne pouvons pas échapper.
Quels sont les enjeux que vous avez identifiés autour de l’IA ?
Nous montons crescendo sur le sujet, notamment dans le marketing. Pour notre chaîne volontaire, les enjeux de l’intelligence artificielle se situent à deux niveaux. Tout d’abord, la mise en commun de la data pour nourrir l’IA de façon qualitative et quantitative. Puis, pour conserver notre positionnement de marque différenciant, il faut savoir s’en servir : faire un prompt pertinent et personnalisé, sinon tout le monde va voir le même contenu. Il faut mettre quelques warnings en place pour que l’IA soit un bel outil d’accélération du tourisme, et non pas un outil qui va lisser l’expérience touristique.
Je fais aussi beaucoup de pédagogie pour que nos adhérents comprennent ce que peut leur apporter l’intelligence artificielle côté métier, comme l’automatisation de certaines tâches, non pas pour réduire les effectifs, mais pour permettre à certains, comme la réception par exemple, d’être plus disponible pour le client.
Comment travaillez-vous le marketing d’influence ?
Tout notre calendrier marketing s’organise autour de deux régions mises en avant chaque mois. Nous faisons découvrir ces régions en dehors des périodes de surtourisme : par exemple, l’Alsace en avril, au lieu de décembre et son marché de Noël. Nous préférons parler de sujets plus confidentiels pour apporter quelque chose de nouveau.
Au niveau du marketing d’influence, nous ne cherchons pas de grandes stars et privilégions les gens de la région pouvant fournir du contenu authentique pour découvrir nos régions autrement et être au plus près des gens qui y vivent. En tant qu’entreprise à mission, l’un de nos axes est de faire que les villes soient non seulement visitables, mais restent aussi habitables.
Béatrice Mathurin interviendra durant la conférence Next Tourisme 2025 organisée par Next Content le 3 juin dans le cadre de la session consacrée à l’évolution du marketing touristique.